mardi 17 avril 2018

ELENA FERRANTE / Le Nouveau Nom


Elena Ferrante
Le Nouveau Nom

Voici une saga romanesque addictive, une fiction intime et politique d'une intelligence et d'une sensibilité époustouflantes, signée par l'énigmatique Elena Ferrante, pseudonyme derrière lequel nul ne sait qui se cache. Après L'Amie prodigieuse (éd. Gallimard, 2014, aujourd'hui en poche chez Folio), Le Nouveau Nom prolonge le parcours de Lila Cerullo et Elena Greco, adolescentes inséparables. Avec elles, nous traversons les années 1960 à Naples, où le déterminisme social n'est pas un vain mot. Lila et Elena ont chacune leur méthode pour tenter d'échapper à la soumission patriarcale et à la pauvreté des bas quartiers. La brillante et provocante Lila abandonne l'école pour se marier avec un homme riche. Elena, elle, poursuit ses études et rompt avec le passé en quittant la ville.
Au-delà de l'opposition apparente de ces deux trajectoires, Elena Ferrante décrit un monde où les filles n'ont guère le choix : soit ressembler à leur mère, s'épuiser entre l'usine et la cuisine, subir la violence des hommes ; soit s'échapper, revêtir un masque, et craindre pour toujours de retomber dans cet univers familial originel qui leur colle à la peau comme une mauvaise odeur. Quand Lila se bat comme un animal en fonçant pour éviter de réfléchir, Elena traîne sa culpabilité de classe, cherche à se défaire de son accent et de ses vêtements modestes.
Mais le roman-fleuve d'Elena Ferrante — qui comprendra quatre tomes — est avant tout l'histoire de deux amies, nées au même moment, dans le même quartier, et dont l'indéfectible lien, soixante années durant, sera fait d'amour et de désamour, de ruptures, d'abandons et de retrouvailles. A travers ses descriptions précises, et grâce à son écriture charnelle, l'auteur révèle les affections et les jalousies déchirantes, les désirs sexuels qui virent au dégoût, le besoin constant d'échapper au quotidien, dans une ville gangrenée par la Camorra. Pour ­Lila comme pour Elena, la liberté vaut de l'or et elles n'en finissent pas de payer leur dû. — Christine Ferniot

Storia del nuovo cognome, traduit de l'italien par Elsa Damien, éd. Gallimard, coll. Du monde entier, 560 p., 23,50 €.

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