dimanche 27 décembre 2020

Le monde selon John le Carré

 

John le Carré

Le monde selon John le Carré

DOSSIER - Le maître du roman d'espionnage est surtout un grand écrivain dont les pairs s'accordent à penser qu'il mérite le prix Nobel de littérature. Un Cahier de l'Herne lève le voile sur sa personnalité mystérieuse.

Depuis le succès planétaire de L'espion qui venait du froid, on a catalogué John le Carré comme le «romancier d'espionnage». Au fil des décennies, il est pourtant apparu clairement que les préoccupations de ce gentleman anglais dépassaient de loin la seule littérature de genre. Témoin d'un monde en perpétuelle évolution, ce grand voyageur en a pointé, à travers ses personnages, les dérives, les aberrations. Homme et écrivain complexe, c'est ainsi qu'il apparaît dans le Cahier de l'Herne qui lui est consacré. Son dernier roman, qui clôt le cycle Smiley, donne raison aux nombreux auteurs britanniques qui voient en lui leur maître et un candidat légitime au prix Nobel.

Avec L'Héritage des espions, le maître du roman d'espionnage retrouve son double littéraire, Georges Smiley, et revisite l'affaire de L'espion qui venait du froid. En terrain familier, les lecteurs de John le Carré se réjouissent et applaudissent.

Ce bon vieux Smiley. Il y avait longtemps. Qu'était-il devenu? On n'avait pas eu de ses nouvelles depuis Le Voyageur secret (1990). Quel âge peut-il bien avoir? Cent ans, ou presque. Les héros de roman sont immortels. John le Carré remue de vieilles cendres. Elles sont encore chaudes. Le passé n'a pas dit son dernier mot. Peter Guillam, qui prenait une retraite paisible en Bretagne, reçoit une lettre de son ancien employeur. Le «Cirque» (aujourd'hui, on dit la «Boîte») le convoque à Londres pour une affaire le concernant. L'Intelligence Service ne se repose jamais. Que se passe-t-il? Guillam est sommé de s'expliquer sur l'opération «Windfall», qui date de 1959. C'était le sujet de L'espion qui venait du froid. Il y avait eu des morts (...)

La vie de David Cornwell, plus connu sous le pseudonyme qu'il juge lui-même assez ridicule de John le Carré, pourrait passer pour l'itinéraire d'un romancier glorifié à trente ans à peine par le succès planétaire de son troisième livre, L'espion qui venait du froid. Mais, bien que ses lecteurs aient mis du temps à l'apprendre, le destin de ce maître de l'embrouille, espionnage oblige, fut bel et bien d'abord celui d'un enfant triste. «Mon père était un escroc et un repris de justice et je n'ai pas connu ma mère avant mes vingt et un ans.» Celui qui avoue aussi avoir grandi dans une maison où il n'y avait aucun livre quitte bientôt ce foyer inhospitalier, où un Ronald Cornwell toujours entre deux aventures apparaît de temps à autre, tel un oiseau de mauvais augure, pour le collège de Sherborne puis l'université de Berne (...)

Extraits d'un inédit figurant dans le Cahier de l'Herne consacré au maître du roman d'espionnage. Intitulé en anglais Care and Maintenance of an Old Writer ce texte figurait à l'origine dans les premières versions des Mémoires de John le Carré, The Pigeon Tunnel: Stories from My Life (Le Tunnel aux pigeons: Histoires de ma vie, Seuil, 2016). Comme l'explique Isabelle Perrin, qui a dirigé le Cahier de l'Herne «John le Carré», et qui est aussi sa traductrice, ce texte n'avait pas été retenu «tant il détonnait par sa causticité et, peut-être, son honnêteté sans fard…»

Si tous les livres du maître sont disponibles au format poche, quelques-uns de ses plus grands succès seront disponibles à partir du 5 avril chez «Points» avec une nouvelle charte graphique signée Matt Taylor. On pourra ainsi relire trois romans sur trois décennies: Le Tailleur de Panama, paru en 1997 dans une traduction de Mimi et Isabelle Perrin ; un Smiley, La Taupe, paru en grand format en 2001 dans une traduction de Jean Rosenthal ; et Une vérité si délicate, sur fond de guerre au djihadisme du côté de Gibraltar, dans une traduction d'Isabelle Perrin.

LE FIGARO



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