mercredi 2 décembre 2020

«Macbeth» de Jo Nesbø / Un polar brillant et captivant

 

«Macbeth» de Jo Nesbo : un polar brillant et captivant

Le Norvégien Jo Nesbo a transposé la pièce de Shakespeare dans une ville écossaise des années 1970.

Le 16 septembre 2018 à 10h02

Il faut être sacrément gonflé pour intituler un roman « Macbeth » en 2018. Ça tombe bien : Jo Nesbo ne manque pas de culot. Maître du polar norvégien, père du flic Harry Hole, dont les aventures ont été adaptées plusieurs fois au cinéma, notamment dans « le Bonhomme de neige » l'an dernier, l'écrivain a relevé un défi titanesque pour signer cet ouvrage brillant*.

Celui qui fut aussi journaliste économique et chanteur d'un groupe de pop n'a pas emprunté à Shakespeare le titre de sa pièce par hasard : son « Macbeth » est une transposition de l'œuvre du tragédien dans les années 1970 et dans une ville écossaise gangrenée par le chômage, la drogue, la pollution et la corruption des politiciens et des policiers.

Ici, il est toujours question de pouvoir, de meurtres, d'amour et de folie. Les personnages portent les mêmes noms que ceux inventés de William Shakespeare au XVIe siècle : Macbeth et Lady, mais aussi Duncan, Malcolm, Banquo, Fleance, Hécate, Macduff… Leurs relations sont calquées sur celles des protagonistes de la pièce originelle.

Cependant, le Macbeth de Nesbo ne veut pas devenir roi, il vise le poste de préfet de police. Les prophéties des sorcières de Shakespeare sont remplacées par les ragots de prostituées. Inverness n'est pas le château de Macbeth, mais le casino de Lady, sa compagne. Et le personnage principal ne souffre pas d'hallucinations, il est sous l'effet d'une drogue puissante appelée « le bouillon ».

L’écrivain Jo Nesbo signe un « Macbeth » sombre, universel et passionnant 
dans son interrogation sur la frontière entre le bien et le mal.
 EPA/MAXPPP/Andreu Dalmau


Une nouvelle aventure avec Harry Hole en 2019

Sombre, universel, passionnant dans son interrogation sur la frontière entre le bien et le mal, ce « Macbeth » version 2018 témoigne une fois de plus de la virtuosité de Nesbo pour imaginer des personnages complexes et agencer les pièces d'une intrigue saisissante pendant 624 pages. « D'habitude, je travaille sur un synopsis de 50 à 70 pages pendant un long moment avant d'écrire, confie le Scandinave de 58 ans. Là, quelqu'un avait déjà fait le boulot pour moi -un certain William- quatre cents ans plus tôt. Et j'ai construit cette histoire à partir de là, scène par scène, acte par acte, de la même façon que je le fais avec mes propres synopsis. »

Ce n'est pas Nesbo lui-même qui a eu l'idée d'adapter Shakespeare. « Mon éditeur anglais m'a demandé de participer à un projet réunissant des écrivains s'inspirant de ses pièces, raconte l'auteur. Normalement, je n'aime pas les exercices imposés, mais là, c'était l'occasion d'écrire à propos de Macbeth. Je suis fasciné par ce personnage comme par celui de Lady Macbeth depuis mon enfance. » Comme les autres Norvégiens, Nesbo a étudié à l'école l'œuvre d'Ibsen, le dramaturge national, mais il a découvert le tragédien anglais à l'adolescence grâce au « Macbeth » réalisé par Polanski en 1971.

« Le personnage de Macbeth a été une source d'inspiration pour créer Harry Hole », avoue même Jo Nesbo. Et l'écrivain de souligner les points communs entre le héros shakespearien et son flic aux méthodes peu orthodoxes, alcoolique, parfois drogué. « Les deux avancent vers leur côté obscur, souligne-t-il. C'est d'ailleurs très perturbant de réaliser le degré de violence, de péché et de mal que vous êtes prêt à excuser de la part du protagoniste que vous avez choisi. Bien sûr, Macbeth bascule vers le mal dès le début du roman alors qu'Harry reste -plutôt- du bon côté de la ligne entre héros et méchant… » Depuis « Macbeth », Nesbo est repassé du « bon côté » : le Norvégien travaille actuellement sur une nouvelle aventure d'Harry Hole, qui sortira l'an prochain et s'intitulera « Couteau ».

NOTE DE LA RÉDACTION : 5/5

« Macbeth », de Jo Nesbo, Ed. Gallimard, collection Série noire, 624 p., 21 €.

REPÈRES


29 mars 1960 : naissance de Jo à Oslo.

1993-1998 : auteur, compositeur et interprète du groupe de pop Di Derre, l’un des plus célèbres de Norvège.

1997 : après avoir quitté son poste de journaliste économique, il publie son premier roman policier. « L’Homme chauve-souris » connaît très vite un succès public et critique. C’est la naissance de son héros Harry Hole, flic bourru, alcoolique et rebelle à l’autorité.

2011 : son roman « Chasseurs de têtes » est adapté au cinéma et en série télévisée. Trois autres seront transposés au cinéma, dont « le Bonhomme de neige » avec Michael Fassbender.

2015 : crée la série télé « Occupied », thriller politique qui met en scène l’occupation de la Norvège par la Russie.

2017 : publie « la Soif », son onzième polar mettant en scène Harry Hole.





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