mardi 5 avril 2016

Charlize Theron / "Je n’ai pas à m’excuser d’être une femme"

Charlize Theron
Charlize Theron : "Je n’ai pas à m’excuser d’être une femme"
Richard Gianorio | Le 01 septembre 2014
Beauté angélique et talent monstre, l’égérie de Dior J’Adore depuis dix ans est l’héroïne du nouveau film du parfum signé Jean-Baptiste Mondino. Son couple glamourissime avec Sean Penn, son fils Jackson, sa passion du cinéma…, la star se dévoile.


Charlize Theron_Photo Karim Sadli pour Christian Dior




On rencontre Charlize Theron un après-midi pluvieux de juillet, dans un palace parisien. La veille, elle a électrisé Paris en arrivant main dans la main avec Sean Penn, son boyfriend, au défilé Haute Couture de Dior. Deux souverains hollywoodiens dans l’œil public  : elle, la géante glamour, égérie maison (le parfum J’Adore, dix ans de collaboration) ; lui, l’acteur culte réputé irascible. Leur rapprochement a pu surprendre. Il est pourtant limpide, puisque ces deux fauves partagent un goût égal pour la liberté et le mépris des conventions.
Bien droite sur un canapé, les jambes interminables (refrain connu), Charlize Theron, vamp disciplinée, a la beauté un peu froide des Scandinaves. Elle vient pourtant d’Afrique du Sud, pays qui considère la star oscarisée pour Monster (2004) comme une héroïne nationale. À Hollywood, son étoile brille sans faiblir. Elle mène une carrière grand public (on la verra bientôt dans Mad Max 4 ), mais s’autorise des pas de côté dans le cinéma indépendant. Courtoise et distante à la fois, impassible toujours, miss Theron se plie au jeu de l’interview avec une franchise rafraîchissante.


Charlize Theron

« Nous savons toutes que nous passons par des hauts et des bas, que nous nous sentons plus ou moins belles selon les circonstances de la vie. »

Charlize Theron

Madame Figaro Comment vous sentez-vous ?
Charlize Theron.  C’est toujours merveilleux d’être de retour à Paris. D’autant que ces derniers temps, j’ai voyagé dans des pays difficiles. Par exemple, une mission pour les Nations unies m’a conduite en République centrafricaine (NDLR : elle est messagère de la paix). Ces voyages font partie des expériences qui vous ouvrent les yeux et vous font réaliser à quel point vous êtes chanceux…

"On me demande souvent pourquoi je suis si à l’aise avec la nudité"

Actrice, productrice, militante, vous êtes aussi égérie du parfum J’Adore. Comment envisagez-vous ce statut d’icône de beauté ?
Je ne pense pas mentir en affirmant que ma collaboration avec Dior fait partie de mon existence, joliment et de manière quasi organique. Cela fait dix ans, voyez-vous. Une association aussi longue avec une même maison et ses équipes n’est plus seulement un travail, mais un chapitre de ma vie.
Votre beauté tant célébrée a-t-elle été une arme ou un fardeau ? Une actrice belle a-t-elle davantage à prouver ?
C’est plus compliqué que ça. Toutes les femmes savent à quel point nous sommes complexes. Explorer une idée de la femme à travers ces campagnes Dior est passionnant. Ce n’est pas une approche si superficielle, c’est aussi poser une question de fond : qu’est-ce qu’une femme ? Célébrer la beauté, la comprendre, l’explorer, la combattre parfois. Nous savons toutes que nous passons par des hauts et des bas, que nous nous sentons plus ou moins belles selon les circonstances de la vie.
Vous m’aviez dit précédemment que votre mère vous avait inculqué le respect du corps…
Celui du corps, mais aussi de la sexualité. On me demande souvent ce qui fait que je suis si à l’aise avec la nudité, par exemple. C’est parce que jamais mes parents ne m’ont élevée dans l’idée de la culpabilisation du corps et de la sexualité. Je n’ai pas à m’excuser d’être une femme, une femme avec de l’assurance. La beauté, c’est autre chose. À la maison, elle n’était pas prise en compte et c’était très bien ainsi. On valorisait des valeurs avec un vrai sens : l’éducation et l’accomplissement de soi. Si vous misez tout sur l’apparence, vous allez au-devant de sérieuses désillusions…
Aux États-Unis, la tendance est plutôt au puritanisme, n’est-ce pas ?
Je ne généralise pas. Les gens ne possèdent pas tous le même environnement, le même vécu et donc la même perception des choses. Je respecte toutes les opinions et ce qui est bon pour moi n’est pas forcément bon pour une autre. Si je m’aime en mini-robe, on doit me respecter, comme on doit respecter de la même façon une femme qui serait plus inhibée. Je n’ai pas pour habitude d’imposer mon point de vue, la seule chose dont je sois certaine, c’est que chacun doit trouver sa place, comme il le peut, pour exister dans ce monde.

"J'ai trouvé un équilibre sans me renier"


En quelles circonstances perdez-vous confiance en vous ?
C’est de l’ordre de l’intime, du monde intérieur. Vous êtes au fond de votre lit et sans savoir vraiment pourquoi, vous vous retrouvez en pleurs, à vous détester. Il y a eu des moments dans ma vie où je me suis sentie incroyablement vulnérable. Le courage, c’est de ne pas rejeter la faute sur les autres et d’admettre que c’est peut-être vous la seule responsable. J’ai appris assez vite que j’étais la seule à pouvoir garantir mon intégrité et ma dignité. Cela prend du temps, cela demande des faux pas mais, à un moment donné, vous identifiez très bien les maux, leur origine, et vous pouvez contre-attaquer : non, ce n’est pas dans cette direction que je veux aller ! Il faut apprendre à se regarder, à se connaître, et aller de l’avant.
Dans le clip de J’Adore, vous grimpez à une corde vers un monde nouveau. Une métaphore de l’ambition ?
Une métaphore sujette à interprétation. Je n’y vois pas la femme de pouvoir qui grimpe et qui combat, mais plutôt le parcours enthousiaste d’une femme qui va de l’avant. Elle quitte le sol, son passé, sans le renier, et part vers d’autres territoires, d’autres conquêtes, un autre futur : c’est une femme qui évolue, une femme qui grandit. En cela, je m’y reconnais complètement.

Pour l'espoir, je suis très bonne cliente

Le message du film est « Future is gold »…
C’est-à-dire un message d’espoir. Et pour l’espoir, je suis très bonne cliente.
Quel espoir nourrissez-vous pour Jackson, votre fils adoptif de 2 ans ?
Qu’il ait la santé, la bonté, le sens de l’indépendance et le sens de l’humour. Il a profondément changé ma vie et en même temps, non. Je m’explique : je suis persuadée que je serai une bonne mère si je suis une bonne personne. Et pour cela, il n’est pas question de renoncer complètement à ce qui est important pour moi. J’ai été témoin de cela avec ma mère : tout en m’élevant, elle a continué de vivre pour elle, pas égoïstement, mais en ne renonçant pas à ses rêves et à ses aspirations. Je ne juge pas celles qui auront choisi une maternité exclusive, mais j’ai trouvé un équilibre sans me renier, et c’est cela qui me convient. Le plus difficile n’est pas la gestion des priorités -  mon fils, sans aucun doute possible  - mais la gestion du temps. Toutes les mères qui travaillent vous le confirmeront.

"La vie n'est pas une press junket"


Que s’est-il passé après l’oscar raflé pour Monster ?
C’était il y a dix ans, hier ou une vie déjà ? Des portes se sont ouvertes, des opportunités merveilleuses se sont présentées. Le regard de mes pairs a changé, on m’a accordé plus d’attention, j’ai dû moins me battre pour monter certains projets. Mais avant cela, j’ai travaillé très dur pendant quinze ans…
Est-ce un cliché de dire qu’il y a moins de rôles pour les actrices après 50 ans ?
Non, c’est un problème pour les actrices, bien sûr, mais aussi pour toutes les femmes en général  : la maturité n’est pas respectée dans nos sociétés, et les hommes et les femmes ne sont pas traités à égalité face à l’âge. Un homme qui vieillit, c’est du bon vin ; une femme, seulement une fleur coupée. Je fais en sorte que ma vie aille à l’encontre de cela. Certaines actrices, Helen Mirren, Meryl Streep, Susan Sarandon, constituent de superbes contre-exemples. Mon travail avec Dior est aussi une réponse à ça : j’ai 38 ans et je suis fière de participer à une campagne qui célèbre les femmes de mon âge. Ce ne sera pas toujours ainsi, mais, aujourd’hui, je suis dans une position incroyable : on m’autorise tout, sans aucune limite.

Un homme qui vieillit, c’est du bon vin ; une femme, seulement une fleur coupée

Une dernière chose. Être venue avec Sean Penn au défilé Haute Couture de Dior est un acte fort, non ? Comme si vous vouliez affirmer votre bonheur…
La vie n’est pas une press junket (NDLR : une conférence de presse). Il n’y avait aucune préméditation : les gens savent que jamais je n’ai utilisé ma vie privée à des fins promotionnelles, jamais. Cette famille, ma famille Dior, je voulais la partager avec quelqu’un qui est dans ma vie. Je détesterais l’idée de me priver de moments uniques à cause des médias ou de l’opinion. J’essaie de rester vraie.


Vous êtes très attachée à votre vie privée. Comment allez-vous gérer l’intrusion ?
Je n’ai pas établi de plan. On verra au coup par coup. Si intrusion il y a, je gérerai et rectifierai le tir. Vous savez, il y a une énorme différence entre être attachée à sa vie privée et être secrète. Je ne fais pas de secrets. Les gens qui m’apprécient le savent : il y a chez moi une transparence qui ne s’accommode pas du sensationnel et des gossips. J’ai toujours raisonnablement partagé ma vie avec mon public et je n’ai jamais été agressive avec la presse. Mais il y a des choses qui n’appartiennent qu’à moi. 





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