jeudi 1 décembre 2016

Clint Eastwood / Sully




Sully
(2016)

Réalisé par Clint Eastwood 

Durée 96 mn
Nationalité : américain
Avec Tom Hanks (Chesley «Sully» Sullenberger) , Gary Weeks (un journaliste) , Laura Linney (Lorraine Sullenberger) 

Sully - Bande Annonce Officielle (VOST) - Tom Hanks

Critique lors de la sortie en salle le 30/11/2016


Par Jacques Morice

C'est une histoire qui se joue en moins de quatre minutes. Et Clint Eastwood en fait un film captivant d'une heure trente, sans donner le sentiment d'un quelconque remplissage. Il faut avoir du métier pour ça, une certaine morale du regard, aussi. L'enflure, il ne connaît pas. Il a toujours préféré la rigueur du classicisme, une forme de sobriété efficace qu'on retrouve chez le commandant Chesley Sullenberger, alias Sully, héros de ce fait divers récent, qui a marqué les esprits. Le 15 janvier 2009, à la suite d'un choc avec une nuée d'oies sauvages, le vol 1549 de l'US Airways perd ses deux moteurs peu après son décollage de l'aéroport de LaGuardia, à New York. Devant l'impossibilité de se poser sur une piste proche, le commandant décide d'un amerrissage d'urgence sur le fleuve Hudson. Le bilan tient du miracle : tous les passagers et le personnel de bord, cent cinquante-cinq personnes, en sortent sains et saufs.
Sully est donc un sauveur. Il ne tue pas, comme Chris Kyle, le héros sombre, pour le moins ambigu, d'American Sniper, dont il serait le double inversé. Un héros positif, tout beau, tout gentil ? Ce serait trop simple. D'abord surgit vite le moment du doute pour le rescapé : est-ce que tout cela est bien réel ? Juste après l'accident, dans un état de sidération, Sully et son copilote se retrouvent à l'hôtel, où ils tournent en rond, incapables de trouver le sommeil. Ils ont frôlé la mort et sont poursuivis par le cauchemar de ce qui aurait pu se passer — image saisissante que cette version catastrophique du vol ­finissant dans les tours de Manhattan. Dans leur chambre ou dehors, lors­qu'ils décident de braver la nuit froide et illuminée de New York pour aller boire un verre, Eastwood montre les deux hommes seuls dans une bulle étrange, légèrement inquiétante.
De fait, des soucis s'annoncent. D'une part, être soudain porté aux nues par les médias et le moindre passant, voilà une idolâtrie un brin écrasante, et surtout excessive, selon Sully, qui estime avoir simplement fait son job. Plus fâcheux : de sauveur, il risque de basculer vers le statut d'imposteur. Les assureurs de l'Airbus jugent que le commandant a été imprudent, inconséquent, et qu'il aurait eu le temps de poser l'appareil normalement. Une enquête est menée, des avocats sont appelés, un passage devant une commission est prévu... Toute cette partie procédurière, méconnue, Eastwood la reconstitue aussi bien que l'amerrissage — montré à plusieurs reprises, mais avec un élément en plus à chaque fois : phobiques de l'avion, s'abstenir !
Sully se focalise surtout sur un homme — que Tom Hanks, de plus en plus intéressant avec l'âge, incarne avec une droiture scrupuleuse, sans ­effet racoleur. Mais c'est aussi une histoire collective, de solidarité, avec tous ces sauveteurs, par mer et hélicoptère, qui sortent les passagers d'une eau gelée. Il est intéressant de noter qu'Eastwood recourt de plus en plus souvent aux biopics (American Sniper, Jersey Boys...), comme s'il lui fallait ces vies réelles pour ne pas totalement désespérer du rêve américain et de l'héroïsme qui lui est lié. D'exploit, de courage et de sang-froid, il est question dans Sully, mais aussi d'enfance et de surpassement. De ce moment où l'on s'étonne, comme un gosse, de ce qu'on est capable de faire. — Jacques Morice



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