Ami des animaux et des hommes
par Maurice Mourier22 novembre 2016
Maurice Mourier, écrivain, poète et critique littéraire à EaN, a dirigé une édition de Croc-blanc (Pocket). Puisant dans ses souvenirs, il choisit un Jack London qui le rattache à la puissance des lectures d’enfance.Il y a deux London au moins.
L’un coureur des bois et des glaces, ami des animaux, connaissant leur langage. L’autre socialiste, communiste même et militant engagé à l’époque d’une Amérique toute livrée aux soubresauts, pas encore faite ni rassise ni bouffie de puissance.
C’est le premier que j’ai connu d’abord, enfant, une sorte de prolongement plus sérieux des merveilles du Père Castor illustrées par Rojan, que ma mère me lisait dès 1942 puis que je lisais moi-même avant 45, et qui s’accordaient si complètement à une existence libre de petit sauvage en terre lointaine à quarante kilomètres de Paris (mais la guerre mettait alors la ville à part de toute autre terre habitée).
Alors Croc-Blanc et la folie de Loup Larsen et Jerry dans l’île. Bref, L’Appel de la forêt, et de la mer.
Près d’une demi-siècle plus tard, quand je préparais mon édition de Croc-Blanc pour « Lire et Voir les Classiques » (Presses Pocket, 1990), je découvris avec effarement que les traductions de la Bibliothèque Verte, qui avaient nourri mon ivresse étaient affreusement fautives, amputées de ces passages politiques et moralisateurs à la fois qui sont pourtant ce qui, dans son texte, importait le plus à London.
Tant pis, un livre qui tient, dépenaillé ou non, est fait aussi, surtout de l’effet qu’il induit plus ou moins involontairement (les histoires, souvent si pauvres, de la Bible, n’ont-elles pas fait rêver des générations, même si elles sont restées pour quelques-uns, dont je suis, lettre morte ?)
En tout cas, London est resté pour moi auteur de jeunesse. Tant mieux, je crois. Comme Kipling, c’est par là seulement qu’il n’a pas vieilli.
Maurice Mourier
Dernier livre paru : Par une forêt obscure, L’Ogre.
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