Fiona Kidman
COMME AU CINÉMA
Les premières lignes
« Moisson de fumée 1952 »
C’était comme emménager dans un pays nouveau. Laisser derrière soi la ville des tramways et des maisons surpeuplées pour un paysage grand ouvert. Le car chaloupa dans un virage, heurtant les tôles ondulées qui bordaient la route. Irene Sandle était perchée au bord du siège en lattes de bois, un bras autour des épaules de sa fille. L’enfant avait six ans, bientôt sept, et avec ce visage couvert de taches de rousseur, sa mère pensait qu’elle avait peu de chance de devenir jolie, mais c’’était sans importance car elle était intelligente. Comme son père, l’aviateur, qui était mort juste avant la fin de la guerre. Irene s’efforçait de ne pas trop s’attarder là-dessus, ce sentiment d’injustice, qu’il soit rentré à la maison pour une brève permission très douce, puis reparti tenir son rôle dans un conflit qui devait bientôt se terminer. Il s’était perdu au-dessus du Pacifique, mais au moins lui avait-il laissé Jessie.
Parties de Wellington très tôt ce matin en ferry, elles avaient été ballottées par la tempête au moment de doubler le cap. Des rideaux de pluie inondaient la ville et le vent cognait sur les corniches de la maison parentale tandis qu’elles faisaient leurs adieux. Et les voilà maintenant de l’autre côté du détroit, le ciel aussi lisse qu’une nappe de lin bien repassée quand elles débarquèrent à Picton.
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