Rencontre avec le poète Roger Robinson, lauréat du prix T.S. Eliot 2019
Traduction publiée le 02/03/2020
Le 13 janvier 2020, le poète britannico-trinidadien Roger Robinson a remporté le prix T.S. Eliot pour son recueil de poèmes A Portable Paradise, paru en 2019. Cette distinction récompense « le meilleur recueil de poèmes récent, rédigé en langue anglaise et publié initialement au Royaume-Uni ou en Irlande ».
Le jury a encensé l’œuvre de Roger Robinson, « qui démontre à plusieurs reprises que la morosité du quotidien n’affecte en rien la beauté de la vie ».
Le recueil comporte cinq parties qui se concluent chacune par un poème explorant le thème du paradis. Le terrible incendie de la tour Grenfell [fr] à Londres figure parmi les sujets évoqués, tout comme le scandale de la génération Windrush [fr]. Le poète aborde franchement les thématiques de la migration, du racisme, de l’identité et de l’injustice.
Qu’est-ce qui pousse le lecteur à vouloir comprendre où Robinson veut en venir ? Est-ce le ton mordant de la contestation ? Serait-ce l'attraction de cette petite pointe d’arrogance qui caractériserait les Caribéens ? Quoi qu’il en soit, le poète réussit magistralement à nous transporter avec lui au cœur des événements, tout en demeurant un témoin sincère. Ce recueil est un remède contre la morosité du quotidien : l’auteur y fait preuve de compassion en reconnaissant notre humanité commune, avec pour fil rouge un ton presque contrit dans sa dignité, même devant notre impuissance.
J’ai contacté Roger Robinson peu de temps après la remise du prix T.S. Eliot 2019. Nous avons échangé par courrier électronique sur sa consécration, son recueil de poèmes et l’importance de l’empathie.
Janine Mendes-Franco (JMF) : Félicitations pour A Portable Paradise ! C’est une œuvre très importante. Pensiez-vous pouvoir remporter ce prix ou cette victoire vous a-t-elle surpris ?
JMF : Curieusement, T.S. Eliot avait choisi de vivre et de travailler en Angleterre, alors qu’il était né aux États-Unis. Vous, vous êtes né en Angleterre et êtes retourné à Trinité-et-Tobago durant votre enfance, avant de vous installer définitivement au Royaume-Uni. Aviez-vous déjà effectué ce rapprochement ? Par ailleurs, vous êtes-vous déjà interrogé sur la raison pour laquelle Trinité-et-Tobago serait, par exemple, un lieu idéal pour la formation, mais un endroit moins propice à la création que l’Angleterre ?
JMF : Le Guardian vous a décrit comme étant un « dub poet (poète dub) britannico-trinidadien ». Cette étiquette vous convient-elle ? Comment présenteriez-vous la poésie « dub » à quelqu’un qui ne connaîtrait ni ce genre musical [fr], ni le spoken word (poésie performative) ?
JMF : Que la musique ait joué un rôle aussi important n’est guère surprenant. Vous faites partie du groupe King Midas Sound, vous avez enregistré des chansons et tourné des clips… De plus, vos poèmes ont cette musicalité qui tient le lecteur en haleine, même s’il est évident que tous les poèmes ont leur propre rythme. Comment avez-vous créé ce style unique qui parait si authentique ?
JMF : Se faire chantre de la vérité est un pari osé, surtout lorsque l’on sait que celle-ci n'est pas facile à atteindre. Une partie de votre œuvre se situe quasiment à la frontière entre deux genres : le journalisme et la poésie. Est-ce important que vos recueils soient lus par des gens qui ne partagent pas votre vision de la « vérité » ?
JMF : Aviez-vous des certitudes sur vous-même à Trinité-et-Tobago (j’imagine qu’il s’agissait de votre vision du paradis) qui se sont effondrées au Royaume-Uni ? Si tel est le cas, la poésie a-t-elle permis de combler ce fossé ? Comment en êtes-vous arrivé à penser que l’on pouvait transporter le paradis ?
JMF : Dans ce recueil, un bon nombre de poèmes semblent sous-tendus par la foi en quelque chose de plus grand, qui ressemble à un paradis plus permanent, pour ainsi dire. Quel effet souhaitiez-vous produire par ces références ?
JMF : Souvent, le « héros » de vos poèmes représente la figure de l’opprimé, plus particulièrement celle du migrant. Dans quelle mesure votre vécu en tant qu'étranger influence-t-elle vos écrits ?
JMF : J’ai entendu dire que vous serez à Trinité-et-Tobago pour l'édition 2020 du Bocas Lit Fest. Souhaiteriez-vous collaborer avec d’autres auteurs caribéens ?
JMF : Quelles sont les personnes qui vous inspirent le plus ?
JMF : La poésie reste un genre littéraire confidentiel à Trinité-et-Tobago. Néanmoins, elle parvient à se trouver une place entre la soca [fr], le rapso et les prestations de spoken word. Ces formes d’expression artistiques ne sont pas sans rappeler la tradition de la calinda [fr] (art martial) et ses chants à répondre. C‘est tout cela, la poésie caribéenne, d‘une certaine façon… À votre avis, pourquoi la poésie dégage-t-elle autant de puissance ?
JMF : Quel conseil donneriez-vous aux poètes de la région ?
JMF : Quelle est votre plus grande fierté en pensant à ce recueil ?
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