"25 novembre 1970, le jour où Mishima a choisi son destin" ("11.25 jiketsu no hi: Mishima Yukio to wakamono-tachi") : à coup d'Etat raté, film raté
Dans ce film consacré à Yukio Mishima, monument de la littérature japonaise, Wakamatsu élude trop.
Par Jacques Mandelbaum
Publié le 10 mai 2012 à 16h50 Mis à jour le 13 avril 2013 à 22h59
Titre insolite, 25 novembre 1970, le jour où Mishima a choisi son destin, pour un film qui ne l'est pas moins. Gros match en tout cas, pour les amateurs de culture nippone, que ce Wakamatsu-Mishima. A notre gauche, Koji Wakamatsu, réalisateur japonais né le 1er avril 1936, ex-yakuza, ex-réalisateur de séries B érotiques, ex-cinéaste militant de la gauche radicale. Va va vierge pour la deuxième fois (1969) compte parmi les titres les plus connus d'une filmographie pléthorique où se côtoient violence anarchiste, crudité sexuelle et inspiration Nouvelle Vague. On l'a redécouvert en France à l'occasion de United Red Army (2008), qui fait le sombre bilan de ces années révolutionnaires.
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Koji Wakamatsu, né en 1936, est un ex-yakuza, ex-réalisateur de séries B érotiques, ex-cinéaste militant de la gauche radicale. RICHARD DUMAS |
A notre droite, Yukio Mishima (1925-1970), monument de la littérature japonaise, poète, dramaturge, essayiste et même cinéaste. Elevé dans le sérail des élites de l'Empire, planqué durant la seconde guerre mondiale, il se fait le chantre, dans l'après-guerre, d'une idéologie ultranationaliste à fondement ethnique. Il milite pour la remilitarisation d'un Japon encore sous tutelle américaine, devient champion de kendo et fonde en 1968 la Société du bouclier, une organisation paramilitaire prônant le sacrifice total de l'individu à la communauté.
Une scène du film japonais de Koji Wakamatsu, "25 novembre 1970, le jour où Mishima a choisi son destin". DR
Il joint l'acte à la parole en se suicidant le 25novembre 1970, secondé par quelques fidèles selon le rite traditionnel, après le cuisant échec de son appel à l'insurrection des forces d'autodéfense. De Mishima, Wakamatsu ne retient que cette marche vers la mort, en l'étoffant, grâce à l'utilisation d'images d'archives, de l'évocation du contexte politique des années 1960, dominé par les grands mouvements de protestation des forces de gauche.
Mishima, qui rêve d'une restauration de la grandeur impériale, y apparaît comme la figure de proue anachronique d'un cénacle fanatisé, dont l'impuissance va progressivement mener au désespoir.
Grandiloquence
Cette réduction politique de Mishima ne contribue pas, loin de là, à l'intérêt que l'on est en droit de porter au personnage, interprété avec une grandiloquence solennelle qui confine au mauvais théâtre.
Une scène du film japonais de Koji Wakamatsu, "25 novembre 1970, le jour où Mishima a choisi son destin". DR
Peut-être, d'ailleurs, était-ce ce rituel de l'extrémisme qu'il importait à Wakamatsu de montrer. Mais son approche, en confinant Mishima à cette dérive fanatisante (rien sur son œuvre, rien sur ses rapports à la famille, rien sur la tension entre son idéal martial et son homosexualité), ôte beaucoup à la fascinante complexité du personnage.
L'épure minimaliste de la mise en scène, le mélange du documentaire et de la reconstitution, les audaces formelles qui brutalisent les codes cinématographiques, ordinairement si fertiles chez Wakamatsu, ne parviennent pas ici à surmonter cet écueil.
> Voir : l'entretien vidéo avec le réalisateur Koji Wakamatsu (Univers Ciné pour Le Monde).
Film japonais de Koji Wakamatsu avec Arata Iura, Shinnosuke Mitsushima (1 h 59).
LE MONDE
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