La jalousie
Obsession et fragilité
VERA FELICIDADE DE ALMEIDA CAMPOS
Être jaloux c’est se sentir perdre le contrôle, se sentir rejeté, remplacé. Plus il y a d’incertitude, plus grands sont nos non-acceptations, nos problèmes et difficultés, plus grand est le besoin de jokers et de certitudes. La fidélité, la manipulation de compromis font que l’autre est toujours présent, en conséquent, sous la main pour réaffirmer le pouvoir et faciliter la sécurité. Ces situations sont très explicites et fréquentes dans les relations de couple, mais elles existent aussi entre parents et enfants et entre amis.
À concentrer les expériences de jalousie dans le contexte du manque affectif, on voit surgir des situations étonnantes qui apparaissent sous forme de chosification ou d’anthropomorphisme. Être jaloux d’objets qui ont été touchés ou qui ont mérité l’attention de « l’être aimé » c’est être pris dans des expériences psychopathologiques. Humaniser les objets (l’anthropomorphisme) : les livres, les vêtements, les voitures, par exemple, c’est les voir comme un prolongement de l’autre, à mesure qu’ils sont choisis et touchés. L’anthropomorphisme est un processus qui annihile les barrières, les limites et les différenciations du réel, de l’existant, pour qu’on arrive à amplifier les peurs, les fantasmes, les affabulations et les syllogismes qui permettent de mettre en équation les justifications des expériences de jalousie. Dans la chosification, l’autre est transformé en objet, centre de l’attention, de l’affection et ainsi, par conséquent, passe à être haï. La métonymie opérant des fonctions dé-personnalisantes.
Être jaloux c’est se plaindre de manière explicite, c’est exposer ses difficultés, ses fantasmes et ses obsessions, et leur reprocher de prendre les commandes, les possibilités de solutions. C’est précisément cet aspect qui caractérise la jalousie qui la contextualise dans l’expérience de peur et d’impuissance. Sans autonomie, avec des difficultés, en voulant de l’aide, on ne peut pas lâcher prise, abandonner ce que l’on a. La moindre menace déclenche la jalousie, le contrôle, les plaintes revendicatrices remplies d’allégations.
La relation structurelle entre jalousie et non acceptation, le problème, la difficulté, enfin, la fameuse mauvaise estime de soi, est très visible quand on a à faire à des communautés économiquement faibles, dans lesquelles les exemples de domination et d’autorité des hommes sont entretenus. Les femmes se soumettent à tout, et vont jusqu’à supporter les coups pour maintenir le droit à la protection et à l’aide apportée par leur partenaire, leur soutient violent. Fragiles, ces femmes personnifient les expériences de jalousie, elles font tout pour garder et contrôler leur partenaire, qui même quand ils les utilisent comme prostituées pour compléter leur fin de mois, ne sont pas jaloux, bien qu’ils les rendent chaque fois plus jalouses.
La jalousie c’est l’impuissance, c’est en général le désespoir de ne plus susciter l’intérêt, de ne plus motiver, de ne plus monopoliser l’autre. Perdre cette influence, laisse désorienté, met à terre, abat, décourage. La jalousie est aussi l’un des indicateurs de vouloir être l’autre, d’attirer les attentions. La situation est antagoniste : on déteste, on hait la source de jalousie, mais c’est ce qu’on veut comme modèle, comme paramètre, comme objet de transformation. Cette division est une duplicité, elle crée victime et agresseur simultanément vécus par le même individu, à partir de là, les situations de jalousie permettent toujours des désirs de vengeance, la haine, l’humiliation et la frustration, à la recherche de soulagement et d’aide contre les maux. Médée avec son histoire tragique et Othello de Shakespeare, avec leurs drames, nous montrent ces aspects, cette polarité agresseur (vindicatif) et victime (immolée), vécus simultanément, qui caractérisent la jalousie, ces éléments fantaisistes et tragiques, des situations toujours d’actualité, des occurrences fréquentes de plaintes en séance de psychothérapie et dans les actualités sur les crimes de la passion.
Traduit du portugais par Gilda Bernard
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