Le poète et romancier américain Denis Johnson est mort jeudi aux Etats-Unis. Il avait 67 ans. Son recueil de nouvelles Jesus’ Son l’a rendu célèbre en 1992, puis il s’est définitivement imposé comme un des meilleurs écrivains de sa génération avec Arbre de fumée en 2007, roman puissant sur la guerre du Vietnam qui a reçu le National Book Award. Une phrase en donne la tonalité: «Il faisait nuit noire. C’était le Vietnam. "Putain", fit James, en essayant de parler aussi doucement que l’obscurité.»





Bien qu’il ait écrit neuf romans, c’est peut-être pour son unique recueil de nouvelles, Jesus’ Son (1992) que l’écrivain américain Denis Johnson passera à la postérité. C’est en tout cas le livre qui est cité en tête des nécrologies qui lui sont consacrées, depuis l’annonce de sa disparition, le 24 mai, à l’âge de 67 ans. Jesus’ Son, dont le titre s’inspire d’une chanson du Velvet Underground (Heroin), est constitué d’histoires d’addiction (et de violence), publiées auparavant dans le New Yorker pour certaines. Un sondage de la New York Times Book Review, en 2006, faisait figurer Jesus’ Son parmi les meilleurs ouvrages de fiction des vingt-cinq années écoulées. On a souvent évoqué William Burroughs à propos de ces nouvelles – Johnson, de son côté, disait avoir plutôt été influencé par Isaac Babel.
Toxico lui-même, alcoolique, l’auteur était désintoxiqué quand son premier roman est paru, mais Des anges (1983) raconte encore la métamorphose du rêve américain en cauchemar. Un ancien marin rencontre une jeune femme, ils font la route ensemble, elle échoue à l’hôpital psychiatrique à cause des substances absorbées, et lui, après un braquage, se retrouve dans la cellule des condamnés à mort. Parmi les romans – tous publiés en France aux éditions Christian Bourgois, citons Rêves de train, ou Un pendu ressuscité, où la dérision dynamite le réalisme, mais pas les sentiments ni la foi : «English se vit debout dans une salle de cinéma, une grenade à la main, et il se dit en pleurant : Dieu m’a ordonné de le faire.»

Du Dr. Seuss à Jimi Hendrix

En 2007, Denis Johnson remporte le National Book Award pour Arbre de fumée, le voyage au bout de l’enfer d’un jeune agent de la CIA et de quelques autres, englués dans la guerre du Vietnam. Suivront Personne bouge (2009) et les Monstres qui ricanent (2014), titre programmatique. Ici s’arrête la carrière de romancier de Johnson, qui avait commencé par un recueil de poésie à l’âge de 19 ans. Il disait : «Mon oreille pour la diction et les rythmes de la poésie a été entraînée par, dans l’ordre chronologique, Dr. Seuss, Dylan Thomas, Walt Whitman, les solos de guitare d’Eric Clapton et de Jimi Hendrix, et enfin T.S. Eliot.»

Aux Etats-Unis, Denis Johnson est apprécié pour son originalité et son humour par des confrères aussi différents que Jonathan Franzen, Philip Roth et Chris Offutt. En France, sur le site des éditions Bourgois, on tombe sur cette citation de Philippe Djian : «J’imagine que c’est une grâce que d’être aussi bon sur une poignée de mots que sur 700 pages. C’est très impressionnant. Et Denis Johnson l’est. […] C’est un écrivain irrésistible et tout ce qu’il touche est neuf, incarné.»
LIBERATION