dimanche 9 juillet 2017

Marion Cotillard / "Cannes, ce n'est pas le bagne"


Marion Cotillard

Marion Cotillard "Cannes, ce n'est pas le bagne"

Paris Match||Mis à jour le 
Marion Cotillard dans "Les Fantômes d'Ismaël", film d'ouverture du 70e Festival de Cannes.Jean-Claude Lother / Why Not Productions
Marion Cotillard partage avec Charlotte Gainsbourg l’affiche des « Fantômes d’Ismaël », le nouveau film d’Arnaud Desplechin qui fait l’ouverture du Festival. L’occasion d’une rencontre avec la plus glamour de nos actrices.
Paris Match. Avec “Les fantômes d’Ismaël”, vous retournez pour la septième année consécutive à Cannes, en sélection officielle. A ce stade, on peut presque parler d’un CDI... Ce festival vous est cher ?
Marion Cotillard. Oui, il y a une intensité qui est liée à la première fois où j’ai monté les marches avec un film en sélection. C’était pour le long-métrage d’Audiard “De rouille et d’os”, on était arrivés sur la Croisette en marchant, et ça avait une saveur particulière justement parce que c’était la première fois... Mais je ne rêvais pas de Cannes quand j’étais petite, je n’avais pas la télé chez moi. Ma vraie première sélection officielle en 2011, je l’ai loupée. Je n’étais pas là pour le film de Woody Allen car, le 19 mai, je donnais naissance à mon fils.
Le cirque médiatique cannois vous amuse ?
Franchement, on ne va pas se plaindre, ce n’est pas le bagne ! Les interviews à la chaîne peuvent être fatigantes mais on parle généralement d’un film qu’on aime. Et puis, ça ne dure que deux jours, il y a pire comme épreuve dans la vie ! [Elle rit.]
Vous aviez déjà croisé la caméra de Desplechin en 1996 dans “Comment je me suis disputé...” mais il ne s’agissait alors que d’une courte apparition muette, en culotte.
Je ne me souviens pas de ma première rencontre avec Arnaud. J’avais beaucoup aimé “La sentinelle” mais je crois que son dernier, “Trois souvenirs de ma jeunesse”, est celui qui m’a le plus touchée. J’aime sa singularité, sa folie, sa candeur, sa grande intelligence de l’humain, j’aime son écriture. Il y a toujours quelque chose de solaire chez lui. C’est quelqu’un qui sourit tellement ! 

L'histoire entre Brad Pitt et Angelina Jolie ne me concernait pas du tout

En vous confiant le rôle de Carlotta, il joue avec ce que vous avez déjà incarné chez d’autres, notamment dans “Inception” ou avant dans “Les jolies choses”... Il y a beaucoup de fantômes dans votre filmographie...
Mes démons sont assez classiques : le besoin de reconnaissance, la peur de l’abandon, l’envie d’être aimée. Alors que je n’ai jamais manqué d’amour dans mon enfance. Mais ça ne m’a pas empêchée, à l’adolescence, de perdre pied et de plonger dans une vraie incompréhension du monde. Ce sont mes parents qui par leur respect, leur compréhension et leur confiance m’ont donné toutes les armes pour me permettre d’avancer vers quelque chose d’un peu plus lumineux...
On dit que la célébrité complique les rapports et déséquilibre. Vous, elle semble paradoxalement vous avoir apporté l’apaisement.
Vouloir la célébrité, c’est vouloir qu’il y ait un grand nombre de gens qui vous regardent. Mais quand elle arrive, on se rend compte que ce besoin de reconnaissance pathologique ne sera jamais guéri par le regard des autres. Il faut donc aller chercher ailleurs de quoi apaiser ses tourments et éloigner ses démons. Et il y a des trésors à l’intérieur de soi... C’est passionnant mais c’est beaucoup de travail.
Vous avez tourné enceinte et enchaîné six longs-métrages en un an. Vous allaitez entre deux interviews. Pourquoi ne pas vous arrêter ? 
C’est très compliqué de refuser un Xavier Dolan, même si je n’avais pas forcément le temps de le faire à ce moment-là. C’était irrésistible de tourner une nouvelle fois avec Justin Kurzel sur “Assassin’s Creed” parce que j’avais tellement aimé faire “Macbeth” avec lui. J’ai été si fascinée par Robert Zemeckis pendant mon adolescence que ce n’était pas non plus refusable. Et puis le film de Guillaume... 
Vous ne pouviez décemment pas lui dire non !
[Elle rit.] On est toujours remplaçable ! Mais “Rock’n’roll” était le seul film et le seul rôle où j’étais irremplaçable. En lisant le scénario j’avais d’ailleurs peur de ne pas aimer parce que je me disais : “Si ça me plaît pas, je le mets dans la merde parce qu’il ne pourra pas me remplacer.”
C’est l’un des sujets des “Fantômes d’Ismaël” : l’histoire d’un artiste qui manque de devenir fou à cause d’un film... Vous avez vécu ça de près avec Guillaume Canet ?
Oui. Un artiste en ébullition au moment de la création, c’est un animal très étrange, centré sur lui-même, qui, s’il ne reste pas un minimum ouvert aux autres, peut tourbillonner et se rendre malade. C’est délicat de trouver sa place là-dedans lorsqu’on est la femme qui accompagne. Il faut savoir rester entier et ne pas partir dans un vertige égocentrique.
Cela vous est déjà arrivé de manquer de vous perdre dans un projet ou un rôle ?
Non, jamais. J’aime trop la vie, j’aime trop cette existence et ce qu’elle m’apporte, ce que j’y découvre, la façon dont le cinéma me fait grandir en tant que femme aussi. Je n’ai pas du tout envie de rester bloquée dans un personnage, même si ça m’est arrivé une fois, avec Piaf, d’avoir du mal à sortir d’un rôle.
Dans “Rock’n’roll”, vous vous moquiez des ravages de la chirurgie esthétique. Vous êtes vraiment imperméable à la pression imposée aux actrices de ne pas vieillir ? Vous n’en ferez jamais ?
Non, ça c’est sûr, je refuse de participer à ça. Et je suis plutôt chanceuse parce que j’ai de bons gènes. Mais se voir vieillir est compliqué. Nous les acteurs, on doit se regarder prendre de l’âge avec une espèce de loupe géante braquée sur nous, la caméra, qui vient nous filmer de très près. Bien sûr que c’est troublant, mais il faut l’accepter. Et comme je suis phobique des injections, ça règle le problème. J’ai eu une injection qui a mal tourné quand j’étais petite et depuis, injecter quelque chose dans mon corps m’est impossible. 
“Les fantômes d’Ismaël” racontent aussi l’histoire d’un triangle amoureux... Vous avez été mêlée malgré vous au divorce le plus médiatique de ces dernières années, celui de Brad Pitt et Angelina Jolie, au point de devoir réagir sur Instagram. Une période difficile ?
Oui enfin, dans mon cas, ce n’était pas un triangle amoureux, cette histoire ne me concernait pas du tout. On m’a présentée comme la briseuse de ménage mais ça ne m’a pas émue deux secondes parce que je n’avais rien à voir là-dedans. J’ai seulement rectifié et ressenti le besoin de réagir parce que ça blessait mon entourage. Mais moi ça m’a fait beaucoup rire. C’est la seule fois d’ailleurs où je suis allée lire les commentaires des Haters parce que c’était tellement absurde... Et plus ces messages étaient affreux et dégueulasses, plus je me marrais. J’avais un peu de peine pour eux. C’est quand même fou de commenter aussi méchamment quelque chose qui n’a aucun fondement ! 
Etre sur Instagram, c’est une façon pour vous de maîtriser votre parole ? 
Je ne sais pas, je n’ai jamais essayé de contrôler quoi que ce soit. J’ai fait beaucoup de progrès vis-à-vis de la presse... 
Grâce à la promotion aux Etats-Unis ?
Oui, énormément. Parce que là-bas ils sont tellement procéduriers que, si on change un mot de ce que vous dites, vous pouvez attaquer. En France, tout est réinterprété sans arrêt et beaucoup de journalistes me font parler comme eux, avec leurs mots à eux. Au début, je trouvais ça vraiment insupportable ! Puis je me suis dit qu’il fallait que je l’accepte parce que je ne pouvais pas tout relire... Mais j’ai aussi ma part de responsabilité : parfois je m’exprime d’une manière pas très compréhensible ! [Elle rit.]
Comment avez-vous réagi aux résultats des élections ?
Ça m’a soulagée. Que Marine Le Pen soit au second tour raconte beaucoup de choses de l’état du pays et du monde dans lequel on vit aujourd’hui...

 " “Taxi”, ça a été une rencontre merveilleuse avec le public. Et ça ne m’a pas empêchée de visiter un autre cinéma"

Ça vous fait peur d’élever deux enfants dans ce monde-là ?
Il y a des choses de ce monde que j’accepte et d’autres que je n’accepte pas. Je me bats pour faire évoluer les choses que je trouve inacceptables et j’éduque mon fils et bientôt ma fille dans le respect de tous, y compris de ceux qui sont différents. Parce que la différence, c’est aussi celui qui va voter à l’extrême. J’essaie de le comprendre. J’arrive à comprendre des gens qui sont englués dans la peur. On vit dans une société où l’on est tellement séparés les uns des autres que ça peut faire naître des craintes irrationnelles. Car pourquoi avoir peur de l’autre ?
Vous avez été victime de racisme petite.
Non, je n’ai pas été victime de racisme, j’ai été victime de racistes à 12 ans. Quand je suis entrée au collège, je venais de la banlieue parisienne, de la cité. Dans la cité, c’est la mixité ethnique et la mixité des origines. Et quand je suis arrivée à la campagne, il y avait beaucoup moins cette mixité. Je suis devenue amie avec une petite fille marocaine. Et la petite Parisienne qui débarque et qui est amie avec une Marocaine, certains n’ont pas vraiment compris ni apprécié. J’ai été poussée sous les escaliers et on m’a versé dessus un litre d’eau de Cologne pour me désinfecter parce que j’étais l’amie d’une Arabe ! Ça a été extrêmement choquant, je me suis dit “on est chez les fous !”. 
Vous faites partie des actrices “bankables”. Cela vous donne du pouvoir ?
Je ne pense pas avoir le pouvoir de vie ou de mort sur un film. Peut-être que certains projets se montent plus facilement sur mon nom. Mais un film important se fera avec ou sans moi. 
Vous n’avez jamais regretté d’avoir fait “Taxi” qui vous a enfermée dans une image de potiche pendant quelques années, au point que vous aviez été tentée d’arrêter le métier ?
Non. “Taxi”, ça a été une rencontre merveilleuse avec le public. Et ça ne m’a pas empêchée de visiter un autre cinéma et, du coup, il y a une grande diversité dans les choses qu’on me propose. C’était mon rêve de petite fille, celui de pouvoir explorer des univers très différents les uns des autres et ces premières expériences n’y sont pas pour rien.
Vous avez deux enfants, avez tourné avec les plus grands cinéastes. Qu’est-ce qu’il vous reste à accomplir ?
Oh, j’ai beaucoup de rêves... Je pense qu’un jour, j’aurai besoin de raconter des histoires avec mes mots, ça peut prendre plein de formes différentes. Ecrire ou réaliser par exemple…


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