mercredi 30 mai 2018

Monica Bellucci, vers l'abandon

Monica Bellucci

Monica Bellucci, vers l'abandon


Jacques Morice

Publié le 08/01/2016. Mis à jour le 01/02/2018 à 09h01.

Je n’arrive pas à ne pas l’aimer. Quelque chose manque pourtant, qui ne demande qu’à être cultivé. Quoi donc ? Le total abandon. Trop figé souvent, son visage, masque de marbre. Manque d’expressivité, de souplesse dans la nuque. Elle semble toujours dans le contrôle d’elle-même, de sa beauté il est vrai exceptionnelle. A la télé ou dans les films, elle continue d’être Cléopâtre dressée sur son char de quinze mètres. Pas un hasard si certains cinéastes s’en sont pris à cette image trop parfaite et l’ont saccagée pour lui donner plus de relief. Guillaume Nicloux lui coupe les cheveux au sécateur (Le Concile de Pierre) et la martyrise – elle finit la face crottée, couverte de coupures et d’ecchymoses. Figuration, défiguration, c’était aussi le sujet de Ne te retourne pas de Marina de Van, objet baroque et grotesque où se chevauchent deux visages en un (le sien et celui de Sophie Marceau).
Ne pas jouer dans sa langue maternelle renforce peut-être le hiatus. Elle maîtrise parfaitement le français (et d’autres langues) mais on la sent nettement plus à l’aise dans les films italiens. Elle y est différente, même sa voix n’est pas tout à fait la même (1). Elle a commencé à m’intéresser dans Irréversiblede Gaspar Noé, que je n’aime pas beaucoup, mais dans lequel il y a une séquence très étonnante, de cinéma-vérité si l’on veut. Dupontel, Cassel et elle prennent le métro parisien (cette courte et mystérieuse ligne 7bis, direction Louis-Blanc, sauf erreur). Dans mon souvenir, il s’agit d’un long-plan séquence, qui dure le temps d’un trajet de plusieurs stations. Les trois parlent ouvertement de sexe, du plaisir reçu, du plaisir à donner, de la différence entre les hommes et les femmes. Et Monica reproche un moment à Vincent de ne pas assez penser à lui dans l’acte, d’être trop obsédé par sa jouissance à elle. Une scène de confession singulière, où Monica est très bien, juste, dans ce qui ressemble à de l’improvisation.
Sa carrière de madone très charnelle est hétérogène. Pas mal de films riches, étouffe-chrétiens, mais aussi des équipées plus risquées. Comme si elle voulait elle-même tester sa propre raideur. Le film d’elle que je préfère reste Un été brûlant de Philippe Garrel. Ce n’est pas la première fois que l’ex-voyant de l’underground a fait appel à une star (voyez Jean SebergCatherine DeneuveLaura Smet...) – c’est d’ailleurs l’un des points communs qu’il a avec son maître absolu, Godard, lequel a toujours aimé choisir des figures improbables (Mireille DarcJean YanneJohnny Hallyday mais aussi.... feu Michel Galabru !). La vidéo qui suit est un diamant – je me la repasse les soirs de cafard. A cause de la saleté régénératrice des Dirty Pretty Things bien sûr. Mais pas que. Pour l’énergie de la danse aussi (mention spéciale à la chorégraphe Caroline Marcadé, qui avait aussi signé la séquence géniale des Amants réguliers sur le morceau des Kinks). Et pour ce flirt si voluptueux. Là, Monica se détend enfin, ondule tout en douceur.
(1) Un réalisateur français m’avait un jour confié son embarras face à l'actrice parfaitement bilingue qu’il avait castée en anglais. Finalement contrainte de jouer le rôle en français au moment du tournage, il avait constaté trop tard que ce n'était plus tout à fait la même.

TÈLÈRAMA


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