Violente Fanny Ardant
Sophie Grassin | Le 04 septembre 2009
Sa première réalisation, "Cendres & sang", raconte un drame familial et une vengeance clanique.
Elle s’est approprié la caméra à sa manière. Entière. Sa première réalisation, Cendres & sang, raconte un drame familial et une vengeance clanique, où la violence tient le rôle principal.
Elle arrive, très belle, dans sa robe noire, très simple. Elle s’assoit devant une salade verte semée de parmesan… et tous ses rôles s’assoient avec elle. Fanny Ardant, qui sait bien ce qu’elle inspire, désamorce les timidités un peu dévotes, donc passablement idiotes, par son rire. « Le dernier jour du tournage de Cendres & sang, en Transylvanie, nous avons dansé le rock. Moi, personne ne m’invite jamais. Un jeune homme s’y est risqué. Je contestais les pas quand il m’a dit : “Vous m’avez dirigé pendant des semaines, là, c’est moi qui conduis.” Il faut juste m’adresser la parole. Je n’ai rien d’intimidant. Je ne donne pas… de claque. Je n’en ai jamais donné de ma vie. Et même si je réponds aux sollicitations par la négative, il se trouve qu’on ne meurt pas d’un non, si ? »
Crimes et refoulements. Cendres & sang, son premier long-métrage comme cinéaste, où soufflent les influences des films russes, de Sergio Leone ou de Francis Ford Coppola, s’ancre autour de clans et de vendetta. « Au départ, raconte-t-elle, je voyais beaucoup d’hommes vêtus de noir, des maisons méditerranéennes et l’amour de cette terre pour laquelle on peut tuer. » Une terre jamais citée dans une époque indéfinie où l’innocence, une petite fille sourde que chacun aime, est la victime de haines rentrées.
La comédienne n’avait jamais ressenti la réalisation comme un impératif. Son histoire l’a guidée. « On commence par l’écrire, dit-elle. Après, on a envie de la finir. Après, on veut la corriger. Et enfin l’épurer. Je savais qu’il y avait des scènes sur lesquelles je ne transigerais pas : les rituels – une danse des hommes qui martèlent le sol, coutume albanaise pour protester contre quatre cents ans de domination turque –, les chevaux et les loups. Eux, je voulais vraiment les magnifier. J’ai toujours été pour le loup dans La Chèvre de M. Seguin. Ysengrin, la barbe ! »
Fanny Ardant a aussi stylisé son récit. Privilégié les lignes de fuite : « Quand je fais de la photo, observe-t-elle, j’attends toujours que les gens sortent du cadre. » Et confié à Ronit Elkabetz le rôle principal. « La mise en scène incarnait une chose trop nouvelle pour que je songe à interpréter le personnage, reprend-elle. Il fallait déjà que mon chef opérateur, Gérard de Battista, traduise mon charabia. Et puis, j’imaginais bien Ronit jouer du couteau. Elle possède un physique éternel et la folie du personnage qui, en disant “on n’ira pas”, puis “on ira”, précipite la tragédie. »
Désordres existentiels
Dans Cendres & sang, la violence est partout. « Je pars du principe que je suis une privilégiée, mais je sais qu’elle m’habite, qu’elle pèse sur moi, comme les eaux sur le barrage de Fréjus avant qu’il ne cède. Toute la vie n’est, au fond, qu’une longue conversation avec elle. Il y a la violence qu’on accepte et celle qu’on nous fait accepter. La justice qui incarne une forme déguisée de la vengeance puisque tout se paie. Les chagrins d’amour et cette phrase terrible. Mais si, vous savez bien : “Un de perdu, dix de retrouvés”... »Action ! Fanny, elle, entre dans les univers des metteurs en scène. « J’adorais Jacqueline Maillan, mais je tire tous mes rôles vers la tragédie, remarque-t-elle, car la tragédie est un dialogue avec les dieux. Et puis, je me décide très vite. Moi, j’ai envie ou pas. Quand on a perdu des gens aimés, qu’on a vécu l’éblouissement de l’enfance, on sait que la vie est courte. »
Fanny Ardant n’a pas touché à sa salade, elle égrène ses détestations : la société du politiquement correct, l’omniprésence de la police « propre à mettre le feu aux poudres », la dépression. « J’en ai toujours eu peur, mais elle m’a épargnée (c’est du bois, ça ? demande-t-elle en tapotant aussitôt sur la table). Je la vois comme une coulée de mercure prompte à m’engloutir ad vitam æternam. Chaque fois que je l’ai rencontrée chez d’autres, je me suis sentie démunie. Que faire ? L’idiote, la conversation ?
DRAGON
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PESSOA
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