Fanny Ardant, une star à part
Caroline de Bodinat | Le 13 juin 2013
Rencontre avec l’actrice, qui interprète une jeune retraitée désœuvrée dans "Les Beaux Jours", de Marion Vernoux
Magnétique, lumineuse, sublime forcément, l’actrice joue une jeune retraitée désœuvrée dans Les Beaux Jours, une comédie douce-amère de Marion Vernoux. Aimer, rire, vieillir…, elle se raconte. Rencontre avec une star à part.
Il y a ses yeux au khôl, son phrasé aussi vif que l’encre d’un stylo-bille, ses digressions, sa voix comme une hypnose. Évidemment, Fanny Ardant. Il y a sa jupe, taille resserrée, son blouson de cuir qui étire sa ligne, ses bagues, ses mains longues, ses escarpins comme des crans d’arrêt. Avec, elle enjambe les montagnes que d’autres se font du temps qui passe, écrase les jérémiades comme on aplatit une bestiole indésirable. « Il y a de l’audace à parler de vieillesse. On s’interdit de dire vieux ou vieille, on parle de senior, au même titre qu’on ne dit plus Côtes du-Nord mais Côtes-d’Armor. L’avantage de la vieillesse, c’est de ne plus avoir à prouver ni à se justifier. Puisqu’il faut mourir, je vis sans regret. Nous avons eu la jeunesse, il faut s’emparer de son insolence, en faire sa qualité première. Cela donne une force inouïe d’assumer enfin ses désirs, de faire face aux autres en disant : “Oui, et alors ?” »
Après, il y a eu sa première apparition dans Marie poupée, de Joël Séria ; à la télévision, ce sera Les Dames de la côte, de Nina Companeez. Remarquée chez Claude Lelouch dans Les Uns et les Autres, à l’aube des années 1980, elle est restée gravée dans l’esprit de tous avec La Femme d’à côté, de François Truffaut.
“Il n’y a que les loups qui n’ont jamais eu peur de moi”
Ce que vous pourriez trouver de surréaliste aujourd’hui chez Fanny Ardant, c’est le blond vénitien de ses cheveux. Elle l’a étrenné dans Les Beaux Jours, de Marion Vernoux, film dont elle partage l’affiche avec Patrick Chesnais et Laurent Lafitte. « C’est aussi la première fois que je portais un jean ! Je fais peut-être moins peur en blonde, l’habit fait le moine. Il n’y a que les loups et les créatures au caractère fruste et entier qui n’ont jamais eu peur de moi. » Elle y interprète une dentiste, mariée, mère de deux filles trentenaires. Elle est tout juste retraitée, désœuvrée par le vide soudain de son agenda, la peur de devenir transparente. Ses filles lui offrent un stage de découverte dans une maison d’animations de quartier, Les Beaux Jours. Elle y va à reculons, un animateur de l’âge de ses filles va la regarder, l’entraîner dans une embardée amoureuse. « J’aime le côté irréductible de cette femme, son espièglerie. Elle monte sur le ring du désir avec assez d’intelligence pour ne pas croire que sa vie va changer. Son mari ne cherche pas à la reconquérir, il souffre mais la laisse faire son chemin. On a parfois besoin d’errances pour comprendre la place importante qu’occupe quelqu’un dans votre vie. »
Il paraît que Fanny Ardant est née en 1949 à Saumur. Que son père était officier de cavalerie, qu’il fut l’ami du prince Rainier, qu’il devint gouverneur du palais et qu’il connaissait Proust par cœur. À en dessiner des filiations avec les personnages de ses œuvres, parce que la famille Ardant du Picq avait dans les gènes quelque chose de terriblement proustien. « Nous passions tous les étés dans la maison de famille dont les souvenirs – les livres que j’y ai lus, le bruit de mes pas sur le gravier – sont indéracinables. Mais j’ai toujours eu la notion de l’éphémérité des choses. Pour moi, le temps passé à pleurnicher sur le révolu est du temps perdu. Cette maison s’est envolée avec l’indivision, très tôt, j’ai perdu des gens que j’aimais. Je n’ai pas peur de ma mort, mais de celle des autres… »
Fanny Ardant vue par Marion Vernoux
« Ce qui me bluffe, c’est son absolue disponibilité. Elle est extrêmement sophistiquée sans être éthérée ni dans le déni de son âge. Elle a une image très forte. C’est une tragédienne. J’ai voulu casser cette image en la faisant apparaître en blonde et en jean, en veillant à ce qu’elle s’exprime une octave plus haut que sa voix qu’on lui connaît. Elle a fait le chemin de tout. Elle a énormément de dérision. Pendant le tournage, elle s’amusait à imaginer les dialogues des badauds qui, selon elle, devaient se demander si Fanny Ardant ne se prenait pas pour Catherine Deneuve ! »
“Je suis pour l'amour absolu”
Alors elle aime la légèreté, pratique la provocation comme un gymnaste les étirements. La sagesse à ses yeux a le goût du lait caillé. « Je suis timide, mais, dans une soirée, je suis capable d’avancer vers un inconnu pour lui poser une question indécente. Les dîners sont des culs-de-sac, je répète à intervalles réguliers “évidemment”, parce que je n’écoute pas. Je suis fatigante et têtue. J’ai érigé la mauvaise foi en art, j’aime affirmer une position qui n’est pas la mienne, je suis pour celui que tout le monde accable et pour l’amour absolu. »
Vous ne lui ferez pas parler de ses trois filles, nées de trois amours absolues. Vous saurez, en revanche, qu’elle vient de terminer son deuxième film en tant que réalisatrice sous le titre de Cadences obstinées. « J’ai écrit la fin d’un amour. Et, dans cette fin, l’obsession de revenir à ce qui avait été sans la mesure de l’apprentissage. » Cette histoire, elle l’a tournée avec Gérard Depardieu, Asia Argento, Nuno Lopes et le chanteur Mika. Vous saurez qu’elle écrit devant une photo de Tennessee Williams, qu’elle aime Marguerite Duras. Vous saurez d’elle ce principe qu’elle énonce : « Aucune histoire d’amour ne résiste à un inconnu qui arrive dans un bar. Si vous n’allez pas à sa rencontre, vous ne saurez pas ce que vous aurez perdu ou gagné. L’important, c’est de pouvoir se dire : j’ai aimé, j’ai vécu parce que j’ai aimé. »
DRAGON
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