«Quiconque a séjourné ne serait-ce que cinq minutes à Los Angeles comprendra que cette cité de l’horreur nocturne n’a rien à voir avec le royaume aseptisé inventé par Hockney dans ses tableaux des années 60», écrivait J.G. Ballard, l’auteur de Crash, dans un article vipérin et d’une mauvaise fois absolue, paru en 1988 dans le Guardian. Il est vrai que Ballard a toujours marqué sa préférence pour Salvador Dalí, ce qui ne plaide pas pour sa grande acuité de critique d’art. Hockney ne cherchait pas, à l’époque, la moindre réalité (dont on pouvait d’évidence constater chaque jour à Hollywood l’inexorable disparition) mais déjà une «vérité» toujours, chez lui, très intime, attachée très anxieusement et profondément à une sorte de phénoménologie personnelle toujours en alerte
Né dans une famille modeste à Bradford dans le Yorkshire, Hockney a vu dans la lumière limpide des hauteurs de LA et la décontraction hédonistes de jeunes hommes toujours prompts à se mettre tout nus au bord de la piscine, matière à définir un regard empli de cette même fraîcheur inaugurale qu’il admire chez le peintre dominicain Fra Angelico.
Avec ses cheveux peroxydés, ses lunettes rondes et ses costumes crème, Hockney a vite brillé entre Londres, Los Angeles, New York, Paris, de l’aura d’une pop-star excentrique, jusqu’à devenir le héros fascinant du documentaire A Bigger Splash de Jack Hazan en 1974 où on le voit créer sous l’emprise d’une rupture amoureuse avec son modèle et amant, Peter Schlesinger. Si la notoriété mainstream de Hockney reste liée à ces séries de tableaux d’eaux bleues, palmiers et villas épurées, l’ensemble de son œuvre, protéiforme et géniale, peut enfin être considérée selon le vaste projet d’une traversée des perceptions et perspectives grâce à l’exposition-événement du centre Pompidou. En accordant à Libération plus de deux heures d’interview, David Hockney, qui aura 80 ans le 9 juillet, démontre encore à quel point son enthousiasme créatif et conceptuel est intact, évoquant dans un même éclat de pensée vif-argent les règles de l’art renaissant et les voix mystérieuses du GPS.
Didier Péron
David Hockney

du 21 juin au 23 octobre 2017
Centre Pompidou, 75004 rens. : centrepompidou.fr