jeudi 31 juillet 2025

Katherena Vermette / Femme-rivière.

 



Confluences

Le recueil Femme-rivière de la Canadienne Katherena Vermette, au-delà de l’éclairage qu’il apporte sur les Premières Nations du Manitoba hier et aujourd’hui, est l’occasion de réfléchir à l’élément aquatique, à ce qu’il fait résonner dans nos corps et dans nos langues, chez cette autrice mais pas seulement.


Katherena Vermette


Katherena Vermette | Femme-rivière. Trad. de l’anglais (Canada) par Rose Després. Dépaysage, 128 p., 14 €

lundi 28 juillet 2025

Celso Castro / Chambres avec vue sur brumes galiciennes


Celso Castro | L’Accordeur d’intérieurs
« Paysage d’hiver », Serafín Avendaño (1896) (détail) © CC0/WikiCommons

Chambres avec vue sur brumes galiciennes

Celso Castro a-t-il entendu Rimbaud lui seriner qu’il faut être absolument moderne ? Ce romancier et poète galicien nous donne ici un récit parfaitement déjanté, dans une traduction d’Isabelle Dessommes, par ailleurs éditrice d’« Arpents de Sud », soucieuse d’écriture d’avant-garde et vouée à la diffusion de la littérature de langue espagnole, avec au catalogue ici Diego Pita, un Espagnol de Californie, là le Péruvien Eduardo Huárag.

Sergey Polyyshko / Chats

 


Sergey Polyushko
CHATS


mardi 22 juillet 2025

Etiyé Dimma Poulsen / Avec ses propres mots

 



Etiyé DIMMA POULSEN

Etiyé avec ses propres mots


C’est toujours un défi de trouver un titre pour une exposition, surtout que je crée chaque pièce individuellement. Depuis que l’on m’a proposé d’exposer dans une chapelle, j’ai essayé de présenter un ensemble d’œuvres qui aura un sens et un lien en commun avec ce lieu sacré, bien que désaffecté aujourd’hui.

mercredi 16 juillet 2025

Paloma Picasso: «Picasso n’est pas une entreprise, c’est une personne, un peintre. Nous ne fabriquons rien»


Paloma Picasso, en 1985.GETTY IMAGES

Paloma Picasso: «Picasso n’est pas une entreprise, c’est une personne, un peintre. Nous ne fabriquons rien»

Sa ligne de bijoux, ses virées la nuit avec Warhol, l’œuvre de sa mère, Françoise Gilot, son rôle au sein d’une succession compliquée... Et si Paloma Picasso avait reçu bien plus qu’une immense fortune en héritage ? Pour s’en assurer, Paloma Simón a rencontré la fille de l’artiste le plus important du XXsiècle.

vendredi 11 juillet 2025

Marto Pariente / Michalis Makropoulos / Passions diverses

 

Marto Pariente, Balanegra, traduit de l’espagnol par Sébastien Rutés, Gallimard, 218  p.,  20 €
L’absent © CC-BY-4.0/Xavii/FlickrGianni Biondillo | Le goût du sang. Trad. de l’italien par Anne Echenoz. Métailié, 360 p., 22,50 €


Passions diverses

par Claude Grimal
11 juillet 2025
Numéro 225

Trois romans qui se déroulent en Espagne, en Italie et en Grèce mettent respectivement en scène un ancien tueur à gages qui veut sauver son neveu, un ex-dealer animé par la vengeance et un commerçant ruiné épris de vérité et de justice. Rien de commun dans ces trois livres de Marto Pariente, Gianni Biondillo et Michalis Makropoulos, si ce n’est leur excellente facture. 



 

Marto Pariente | Balanegra. Trad. de l’espagnol par Sébastien Rutés. Gallimard, coll. « Série noire », 218 p., 20 €

Coveiro, ancien tueur à gages, s’est installé à Balanegra pour s’occuper de Marco, son neveu autiste, à présent orphelin. Dans l’exercice de ses nouvelles fonctions, celles de fossoyeur, il ne manie plus que la pelle et la pioche. Il va cependant devoir ressortir ses armes du placard car Marco, qui l’aide dans son travail et se promène parfois la nuit dans le cimetière, se fait enlever près de la tombe du dernier enterré, un homme politique compromis dans divers scandales. Pourquoi a-t-on kidnappé Marco? Et comment le retrouver ?

Lancé à sa recherche, Coveiro aura affaire à une série de grotesques zozos qui mènent de leur côté leurs peu recommandables actions et s’entretuent avec entrain : Rubí de Miguel, mère du mort et femme d’affaires, Double Mickey, son autre fils, un Russe qui n’est pas russe, les Tapia, hommes de main profanateurs de tombes, les Bobby, élégant couple de pro du « nettoyage », des hommes de loi véreux…

L’histoire, pleine de rebondissements, est d’un humour très noir, ses crapules impeccablement drolatiques. Après l’excellent 

La sagesse de l’idiot, Pariente fait à nouveau preuve d’un joli tour de main.

Milan a ses bons ou très bons auteurs de polars, de Giorgio Scerbanenco à Piero Calaprico ou Luigi Vergallo ; avec Le goût du sang, Gianni Biondillo rejoint ce groupe. Le livre (qui date de 2019) déploie en effet un élégant savoir-faire pour mêler la vie de la métropole lombarde aux péripéties du giallo.

Soit Milan enneigé et ses différents quartiers. Dans le populaire Quarto Oggiaro, transformé par l’immigration du sud, règne la ‘Ndrangheta calabraise. Sasà, un des exécutants de l’organisation, sort de prison avec une idée en tête, se venger et retrouver un magot qu’il a planqué. Dans le même temps, l’inspecteur Ferraro, héros fatigué et sarcastique des précédents romans de Biondillo, se trouve, plutôt mal gré que bon, chargé de l’empêcher de nuire.

L’histoire, qui se déroule lors d’une tempête hivernale, balade le lecteur des quartiers pauvres aux plus huppés, d’une salle de boxe à des soirées érotiques chez les nantis, le fait assister aux provocations de petites frappes et à des gros coups fourrés politico-mafieux. Le goût du sang est rapide, ironique, rempli d’action, milanais en diable… bref, captivant.

Michalis Makropoulos | L’arbre de Judas. Trad. du grec par Clara Nizzoli. Agullo, 144 p., 12,90 €

Ilias, commerçant athénien ruiné par la crise, puis séparé de son épouse et de ses filles, est retourné dans son village natal d’Épire, Delvinaki. Entre une vieille mère peu causante, les tsipouros sirotés au bistrot et des marches sous la neige (on est en hiver et dans les montagnes), Ilias peut continuer à s’adonner à la mélancolie. Mais voilà qu’on découvre dans une fosse le cadavre d’une jeune femme inconnue.

Ilias soupçonne Yagonassis, un villageois « qui trempe dans de sales affaires », d’y être pour quelque chose. Son ami, le commandant de police Kotsomendis, lui conseille de ne pas se mêler de cette histoire, qui, à ses yeux, concerne la mafia albanaise, très active dans le coin. D’ailleurs, un « coupable », découvert fort à propos, se « suicide » : l’affaire est classée. Splénétique mais soudain mû par un inextinguible désir de vérité, Ilias s’attache à la recherche de l’assassin. Il le trouvera, pour son plus grand malheur… ou pour la plus grande satisfaction de son penchant dépressif.

L’arbre de Judas fait penser à certains Leonardo Sciascia par sa trame, son sens de la corruption sociale, la retenue de son style, l‘obstination mélancolique de son héros. C’est une belle réussite.

EN ATTENDANT NADEAU



vendredi 4 juillet 2025

Michael Madsen, acteur culte de Reservoir Dogs, s’est éteint à l’âge de 67 ans

 



Michael Madsen


Michael Madsen, acteur culte de Reservoir Dogs, s’est éteint à l’âge de 67 ans

Un regard de chien battu, une voix rauque, et des mâchoires serrées... Michael Madsen a incarné pendant quarante ans une certaine idée du caïd.

Tous les témoignages de ceux qui l’ont connu dépeignent Michael Madsen en homme tendre et affectueux, fidèle en amitié, et généreux sans avoir besoin de le montrer. Ça c‘est pour la vie privée. Car à l’écran, c’était tout autre chose : un acteur brut, éruptif, qui s‘était spécialisé dans les rôles de durs. C’est en 1992, dans le premier long métrage d’un certain Quentin Tarantino, qu’il laisse un souvenir impérissable. Dans Reservoir Dogs, Madsen incarne Mr. Blonde, tueur sans foi ni loi, un méchant au sang-froid tellement malaisant qu’il hante encore les cauchemars des spectateurs.


Avant cela, il avait fait ses armes dans des seconds rôles : c’était notamment un ami alcoolique de Jim Morrison dans The Doors d’Oliver Stone. Il jouait un musicien amoureux de Susan Sarandon dans Thelma et Louise, sans oublier ses apparitions, toujours inquiétantes, dans des séries cultes de l’époque comme Miami Vice ou Code Quantum. Mais, sa carrière a basculé avec ce polar à petit budget, où un gang de braqueurs aux noms de couleurs se déchire après un coup qui tourne mal. Dans cet impossible chaos, la figure de Mr. Blonde se distingue parmi toutes.

Une scène culte ? Évidemment celle de l’oreille coupée. Mr. Blonde a ligoté un flic (incarné par Kirk Baltz) et le torture pendant qu’à la radio passe Stuck In The Middle With You, une chanson pop entêtante et gentillette qui contraste cruellement avec le déchaînement de violence à l’œuvre. Mais l’horreur se teinte d‘humour sadique. Mr. Blonde fait quelques pas de danse, rasoir à la main, avant de trancher l’oreille de sa victime. Puis, avec un sourire aux lèvres, il parle dans l’oreille comme dans un micro : « Allô, il y a quelqu’un ? »

À l’écran, c’est insoutenable. Même la caméra est obligée de tourner le regard. Quentin Tarantino, dans une interview donnée à l’époque, disait vouloir qu’on « ressente la douleur ». Mission accomplie. Mais, au-delà de la violence, ce qui glace le sang, c’est le plaisir sadique que Michael Madsen semble éprouver. Il confiera plus tard avoir improvisé cette danse, sur une simple indication du scénario : « Mr. Blonde danse de manière maniaque. » « Je me souviens m’être dit : “ Mais qu’est-ce que je vais pouvoir foutre de ça ?” Quentin m’a fait confiance pour trouver sur le moment. »


Michael Madsen a décidé d’y aller tout en douceur. Un petit pas de danse, un petit déhanchement, avant de sauter sur le policier ligoté.

Le personnage devient instantanément culte. Madsen, dès lors, portera toujours avec lui cette aura d’homme instable et violent. Tarantino l’invitera dans plusieurs de ses films : Kill Bill (1 et 2), Les huit salopardsOnce Upon a Time… in Hollywood. À chaque fois, l’acteur injecte sa touche : une fragilité toujours à double sens, un charisme à l’ancienne, quelque part entre James Dean et Charles Bukowski.

Mais derrière la gueule de gâchette solitaire, il y avait un père – qui a eu six enfants – et un homme d’une grande sensibilité. Lors du tournage de Reservoir Dogs, son premier fils était encore bébé. Quand le flic supplie son bourreau de lui laisser la vie sauve en disant avoir un enfant en bas âge, la réplique l’émeut bien plus qu’il ne veut le montrer.

Des années plus tard, de festivals en projections, les fans ne lui parlent toujours que de Mr. Blonde. « Je m’imagine à 80 ans, avec quelqu’un qui me demande pour la millième fois de refaire la danse, souriait-il en 2017. Ce rôle me suit partout. »

Il restera, dans la mémoire du cinéma, cet ange noir à la voix rauque, qui a su mettre un peu de danse dans sa cruauté.


VANITY FAIR


jeudi 3 juillet 2025

Louise Bourgeois / La sculpture de la révolte

 

Louise Bourgeois



Louise Bourgeois: la sculpture de la révolte

Elle a puisé dans son histoire personnelle pour mener un combat artistique et féministe.


L'artiste Louise Bourgois dont les sculptures exploraient les relations tumultueuses entre femmes et hommes, est décédée lundi 31 mai à New York. Elle avait 98 ans. Sa très longue carrière lui a permis de devenir au cours des dernières années une figure emblématique et un mythe notamment auprès d'une nouvelle génération d'artistes féminines.

Rarement un travail d'artiste n'a été aussi marqué par une histoire personnelle. Louise Bourgeois revendiquait l'origine de son travail dans son enfance et son adolescence, dans son désir de régler des comptes avec la figure d'un père détestée et de transcender celle d'une mère adorée. Sa première installation en 1974 Destruction du Père est un retour sur cette vie familiale ou sa mère, son frère et sa sœur sont représentés autour d'une table soumis à la tyrannie du père, qui finira sous la table dévoré par la fratrie. Une violence extrême pour exprimer le malaise qui la hantait depuis son enfance: les trahisons extraconjugales de son père, notamment avec une préceptrice anglaise.
Née en France, à Paris le 25 décembre 1911, Louise Bourgois avait des parents restaurateurs de tapisseries anciennes. Si elle avouait s'y être intéressée dès son jeune âge, elle reconnaissait aussi que cela n'avait absolument pas influencé sa future carrière artistique.

Apres un court passage à la Sorbonne, elle choisit l'école du Louvre puis des Beaux Art, suivant parallèlement l'enseignement de l'atelier Fernand Léger. En 1938, elle épouse l'historien d'art américain, Robert Goldwater, spécialiste des arts premiers. Elle émigre à New York. Elle ne quittera plus cette métropole prenant en 1955 la citoyenneté américaine.

Même si sa première exposition de peinture a lieu dans une galerie dès 1945, ce n'est qu'au milieu des années 70, qu'elle accède à une certaine notoriété, comme sculpteur. Travaillant dès l'origine sur une très grande diversité de matières: bois, métal, latex, marbre ou bronze. Ses premières sculptures, des totems, définissent déjà ses thèmes de prédilections l'homme, la femme, explorant la sexualité, les relations de corps empreints toujours d'émotions violentes comme la haine ou la jalousie allant parfois jusqu'à la mort.

Son travail est dès l'origine influencé par les surréalistes beaucoup d'entre eux ayant émigré à New York dans les années 1940, par l'art primitif et le travail des sculpteurs Alberto Giacometti et Constantin Brancusi, mais surtout par les expressionnistes abstrait américains Pollock, Rothko ou de Kooning. Une diversité d'influences qui ont rendues finalement Louise Bourgeois libre de toute école ou mouvement artistique.

Profondément féministe, elle qui clamait que son prénom avait été choisi par sa mère en hommage à Louise Michel, la figure de proue de la Commune de Paris, participera activement dans les années 60 aux mouvements de libération de la femme arborant fièrement des badges féministes.

Pourtant, elle refusait de voir en son art un quelconque esthétisme féministe. «Mon travail s'apparente à des questions qui transcendent les genres. La jalousie n'est ni masculine ni féminine.» La représentation féminine, symbolisée par exemple par l'araignée géante comme celle de 2001 «Maman» au Rockefeller Center, créant son nid et nourrissant ses enfants, est somme toute une représentation plutôt banale voire conformiste du rôle de la femme, mère nourricière et protectrice, défendant son nid.

La reconnaissance sera venue sur le tard, elle avait plus de 70 ans en 1982 lorsque le MoMA lui offre sa première rétrospective. Il s'agit alors d'une grande première: la consécration d'une artiste féminine. Sa première rétrospective européenne a lieu en Allemagne en 1989. Elle était aussi la première artiste contemporaine à avoir été exposée de son vivant au musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, en 2002. Une exposition consacrée à ses dessins sur tissus réalisés entre 2002 et 2008 doit s'ouvrir à Venise, le 5 juin.

A 98 ans, elle continuait à travailler non plus sur le toit de sa petite maison située à Manhattan dans le quartier de Chelsea mais dans son atelier à Brooklyn. Elle perpétuait aussi un salon le dimanche invitant artistes jeunes et moins jeunes à venir confronter leurs idées. Accueillant chacun avec gentillesse et avec un accent franglais inimitable.

Anne de Coninck