jeudi 4 décembre 2025

Jesmy Ward / Nous serons tempête / La saga d’une esclave

 


La saga d’une esclave

Nous serons tempête de Jesmyn Ward, seule femme et seul membre de la communauté afro-américaine à avoir remporté deux fois le National Book Award, raconte l’esclavage d’une adolescente dans le Sud américain. C’est un roman bouleversant, écrit dans une langue magistrale.

mercredi 3 décembre 2025

József Debreczeni / Le crématorium froid. Au Pays d’Auschwitz / Ce que l’homme fait à l’homme

 


Ce que l’homme fait à l’homme

On peut s’étonner d’avoir dû attendre plus d’un demi-siècle pour lire en français ce témoignage de József Debreczeni (1905-1978), publié pour la première fois en 1950 par un éditeur hongrois en Yougoslavie — une maison d’édition évidemment nationalisée. Le livre a été traduit en serbe en 1951, en albanais en 1956, quelques extraits avaient été publiés en roumain en 1953, mais c’est seulement en 2023 que, notamment grâce au neveu de l’auteur, Alexander Bruner, dont on peut lire un texte à la fin du récit de Debreczeni, a atteint une reconnaissance plus large. Présenté à la foire de Francfort, il sera traduit d’ici 2025 en plus d’une dizaine de langues. Le crématorium froid, au-delà du témoignage, est aussi un récit aux qualités littéraires remarquables. Il s’ouvre d’ailleurs sur un poème de l’auteur, qui est aussi écrivain, poète et traducteur et qui écrit, dans une langue qui lui est propre, son expérience des camps de travail, sa traversée infernale dont il revient miraculeusement.

mardi 2 décembre 2025

Georges-Arthur Goldschmidt / Frères d’exil

 



Frères d’exil

Deux livres de Georges-Arthur Goldschmidt paraissent simultanément en français : L’après-exil, traduit de l’allemand par Jean-Yves Masson, et Le chemin barré. Roman du frère, traduit par l’auteur lui-même. Deux livres écrits en allemand, et qui témoignent du rapport si particulier et si intense que l’écrivain entretient avec sa langue natale.

jeudi 27 novembre 2025

Gabriella Zalapì / Ilaria ou la conquête de la désobéissance / Vie en puissance

 


Vie en puissance

Dans son troisième roman, Ilaria ou la conquête de la désobéissance, l’écrivaine et plasticienne Gabriella Zalapì raconte, du point de vue d’une enfant, deux années au cours desquelles elle a été brutalement séparée de sa famille. On plonge dans deux ans de cavale dans la fin des années de plomb d’un père pris dans sa folie et d’une fille elle conquière la désobéissance sans laquelle elle ne pourrait sauver sa peau.

mercredi 26 novembre 2025

Louise Chennevière / «L’imaginaire de la jeune fille, que je cherche à démonter, a imposé une violence réelle à nos corps »





Louise Chennevière : «L’imaginaire de la jeune fille, que je cherche à démonter, a imposé une violence réelle à nos corps » (Pour Britney)

  • Simona Crippa
  • 2 sept. 2024

Dernière mise à jour : 17 sept. 2024


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Après les remarquables Comme la chienne et Mausolée, Louise Chennevière nous offre à lire un récit bouleversant d’émancipation. Ce récit qui entrecroise les vies éclatées de Britney Spears et de Nelly Arcan revient sur les images que la société patriarcale nous a donné à voir d’elles et par ricochet, de nous-mêmes. Redéfinir les expériences de l’être femme(s), voici un beau projet qui sonne comme un cri, celui que l’on entend se libérer depuis le titre : Pour Britney.

mardi 25 novembre 2025

Sébastien Dulude / Amiante / La mine de l’enfance

 


La mine de l’enfance

Merveilleuse surprise de cette rentrée littéraire, le premier roman de Sébastien Dulude, Amiante, est une lecture absolument incontournable, pour la beauté du récit et sa langue originale et sensible. Auteur de trois recueils de poésie, l’écrivain québécois a passé une partie de son enfance à Thetford Mines, dont il s’inspire pour écrire l’histoire d’une amitié entre Steve Dubois, 9 ans, et Charlélie Poulin, surnommé petit Poulin, âgé de 10 ans. Les deux enfants font de ces paysages rudes et hostiles, où résonnent régulièrement les explosions venues de la mine et les bruits des moteurs des camions à benne, le doux paradis de l’enfance et de l’amitié infinie, jusqu’à ce que Steve soit chassé de cet étrange éden.

lundi 24 novembre 2025

Hélène Gaudy / Archipels / Tu ne mourras pas

 


Tu ne mourras pas

Archipels s’offre comme un texte à déguster, dont l’origine réside dans la découverte, par Hélène Gaudy, de l’existence d’une île en Louisiane au même nom que son père, île qui chaque jour « s’enfonce un peu plus sous les eaux ». La concomitance entre la découverte de l’existence et de la disparition imminente de cette île place le récit entier sous le signe de ce mouvement imperceptible inhérent à toute existence, le chemin vers la disparition, l’évanouissement, l’oubli probable. Ainsi l’Isle de Jean-Charles ouvre la pensée et le cœur de l’autrice à Jean-Charles, en réalité Jean-Karl, ce père « à la présence tranquille, jamais interrogée », cœur d’un récit à l’élaboration aussi subtile que sensible qui combat l’engloutissement à venir.

dimanche 23 novembre 2025

Yael Inokai / Une simple intervention / Une clinique et ses secrets

 



Une clinique et ses secrets

Récit au réalisme empreint d’étrangeté, Une simple intervention raconte la singulière expérience d’une jeune infirmière dans une clinique, sous la direction d’un médecin qui pratique un « nouveau genre d’intervention », un « traitement radical pour guérir les troubles psychiques ».

samedi 22 novembre 2025

Lorenza Mazzetti / Le ciel tombe / La vérité est dans le regard des enfants

 


La vérité est dans le regard des enfants

Dans Le ciel tombe, récit publié en 1961, Lorenza Mazzetti (1927-2020) raconte son enfance et celle de sa sœur jumelle, au début des années 1940 en Italie. Après la disparition de leurs parents, Penny et Baby vivent les dernières années du fascisme et de la guerre dans une grande demeure, la Villa, chez l’oncle Wilhelm et la tante Katchen, avec leurs cousines Annie et Marie. C’est du point de vue de Penny que l’on assiste au quotidien de ces fillettes et des enfants du voisinage, dont les jeux sont traversés par l’Histoire, la propagande et les angoisses archaïques, propres à toute histoire d’enfance.

vendredi 21 novembre 2025

Nathalie Castagné | Vies, morts et renaissances de Goliarda Sapienza / Goliarda Sapienza : la vie intense

 


Goliarda Sapienza : la vie intense

Le pluriel est de rigueur lorsqu’il s’agit d’évoquer la vie de Goliarda Sapienza. Nous devrions plutôt écrire, comme le fait Nathalie Castagné, ses « vies ». Mais s’il y a plusieurs vies, il faut bien aussi mourir à certaines vies pour renaître à d’autres : mouvement vital auquel semble obéir la trajectoire de l’autrice italienne, qui déploie tout au long de son existence son goût pour la liberté, conquise dans une fièvre qui ne la quitte guère.

jeudi 20 novembre 2025

« Une icône paradoxale » / Entretien avec Nathalie Castagné

 

Vies, morts et renaissances de Goliarda Sapienza, Nathalie Castagné
Nathalie Castagné (2023) © Esther Castagné

« Une icône paradoxale » : entretien avec Nathalie Castagné

la parution de la correspondance de Goliarda Sapienza, Miroirs du temps, les éditions du Tripode achèvent la publication de l’intégralité de l’œuvre de l’autrice italienne, initiée en France par Viviane Hamy avec L’art de la joie en 2005. EaN se plonge avec sa traductrice et biographe Nathalie Castagné dans une œuvre polymorphique et bouleversante que l’on peut enfin embrasser entièrement.

mercredi 19 novembre 2025

Goliarda Sapienza / Angelo Pellegrino / L’amour d’une écrivaine

 


L’amour d’une écrivaine

Etroitement lié à l’aventure éditoriale de Goliarda Sapienza, Angelo Pellegrino dirige désormais l’édition des œuvres complètes de l’autrice aux éditions italiennes Einaudi. Mais il est tout autant lié intimement à cette femme, dont il a été le compagnon aimant des dernières années. Il avait déjà publié en 2015 un livre accompagné de nombreuses photos, Goliarda Sapienza, telle que je l’ai connue. En écrivant de nouveau sur la femme qu’il a tant aimée, Angelo Pellegrino semble remplir un devoir.

mardi 18 novembre 2025

Jane Sautière / Tout ce qui nous était à venir / Le « nous » qui résiste

 



Le « nous » qui résiste

Le bref récit Tout ce qui nous était à venirtémoigne de la force de l’écriture de Jane Sautière, qui aborde dans une langue précise la question de la fin, sans pour autant exclure celles du renouveau et de l’avenir. En peu de mots, mais avec une très grande énergie et une exigence sans pareille, l’écrivaine se confronte à ce qui est inéluctable, non pour le déplorer mais au contraire pour en tirer toute la puissance, celle d’un « nous » qui s’affirme, voire qui s’impose au lecteur comme le seul avenir digne de ce nom, celui de la lutte. Le « nous » résiste à la fin qui vient, car d’autres prennent le relais, toujours, lorsque les forces diminuent et que le souffle vient à manquer.

lundi 17 novembre 2025

Antoine Mouton / Nom d’un animal / Poésie au travail

 


Poésie au travail

D’Antoine Mouton, on se souvient de Chômage monstre (La Contre Allée, 2017), qui questionnait la manière dont le travail occupe nos vies, sur le plan intime et collectif. Dans un texte étonnant et stimulant, Nom d’un animal, en partie écrit dans le cadre d’une collaboration avec la compagnie théâtrale Jeanne Simone, l’écrivain interroge de nouveau le mot « travail ». Sa langue prend corps au fil des pages, une langue étonnante qui virevolte et grince, faisant danser ensemble le rire et la gravité.